La devineresse reprit la parole :
Qu'en est-il de la Raison et de la Passion ?
Il répondit en ces termes :
Votre âme est parfois un champ de bataille où raison et
jugement combattent la passion et le désir.
Puissé-je être le pacificateur de votre âme, transformer
la discorde et la rivalité de vos éléments en unité et en mélodie !
Mais comment y arriverai-je, à moins que vous ne soyez vous
aussi des faiseurs de paix, et même des amants de tout ce qui
vous compose ?
Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de
votre âme navigatrice.
Si voiles ou gouvernail se brisent, vous ne pourrez
qu'être malmenés et dériver, ou bien rester en panne entre deux
eaux.
Car la raison, si elle est seule à gouverner, est une force qui
limite ; tandis que la passion, laissée à elle-même, est flamme
qui brûle jusqu'à se détruire elle-même.
Laissez donc votre âme exalter la raison jusqu'à la hauteur de
la passion, pour qu'elle chante ;
Et qu'elle guide la passion à force de raison, que celle-ci
vive jusqu'à sa propre résurrection journalière et tel le phénix
renaisse de ses cendres.
J'aimerais que vous considériez votre jugement et votre
désir comme vous feriez de deux invités chéris sous votre toit.
Car il est bien certain que vous n'honoreriez pas l'un plus que
l'autre ; car se soucier d'avantage de l'un vous fait perdre l'amour
et la confiance des deux.
Parmi les collines, quand vous êtes assis à l'ombre fraîche
des peupliers blancs, goûtez la paix et la sérénité des prés et
des champs éloignés, que votre coeur murmure en silence :
" Dieu repose dans la raison. "
Et quand vient l'orage, que le vent puissant secoue la forêt,
que le tonnerre et l'éclair proclament la majesté du ciel, que
votre coeur terrifié déclare : " Dieu se meurt dans la passion."
Et puisque vous êtes un souffle de la sphère divine, une feuille
dans la forêt de Dieu, vous devriez vous aussi reposer dans la
raison, bouger par la passion.