"C’est un acte immoral de la part des Etats-Unis d’Amérique de se servir de la famine et de la crise du SIDA de cette façon ! Ils doivent arrêter de jouer avec la faim. Les pays africains doivent avoir le droit de choisir leur nourriture. "
Nnimmo Bassey, Amis de la Terre du Nigéria.
BRUXELLES, WASHINGTON, BÉNIN VILLE, le 23 mai 2003. Selon un nouveau rapport rendu public aujourd’hui par la Fédération Internationale des Amis de la Terre (FoEI), l’aide alimentaire est désormais devenue un sujet très controversé sur quatre continents, du fait que l’aide alimentaire des Etats Unis contient des OGM.
Le Congrès états-unien a adopté une loi conditionnant l’assistance à la lutte contre le SIDA, à l’acceptation des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) ! Au même moment, les Etats-Unis viennent de déposer une plainte à l’Organisation Mondiale du Commerce, contre le moratoire européen sur les OGM.
Dans une lettre et le nouveau rapport publiés aujourd’hui, les Amis de la Terre ont demandé aux autorités états-uniennes de cesser l’utilisation de la faim à des fins commerciales et politiques, pour le seul bénéfice des grosses industries agro-alimentaires.
"Les Etats-Unis d’Amérique doivent arrêter de jouer avec la faim. Après s’être servis du Programme d’Assistance Alimentaire de l’USAID pour déverser du maïs transgénique dans les pays d’Afrique australe, ils recourent maintenant à des pratiques plus ignobles encore. Les pays africains doivent avoir le droit de choisir leur nourriture. C’est un acte immoral de la part des USA de se servir de la famine et de la crise du SIDA de cette façon ! " a déploré Nnimmo Bassey, directeur des Amis de la Terre du Nigéria.
La controverse au sujet des OGM sous forme d’aide alimentaire est apparue en 2000 et s’est progressivement accrue en 2002, quand en pleine crise alimentaire, plusieurs nations d’Afrique australe ont refusé l’aide alimentaire contenant des OGM. Les nations africaines devaient choisir entre accepter les OGM ou laisser des milliers de leurs citoyens mourir. Plusieurs pays, dont le Mozambique et le Zimbabwe, ont rejeté le maïs transgénique en grain pour des raisons écologiques - éviter que les paysans n’essayent de le resemer - mais en ont accepté la farine.
Seule la Zambie, pour des raisons de santé publique, a décidé de rejeter le maïs transgénique, tant sous forme de grains, que de farine. Plusieurs rapports préliminaires provenant de la Zambie démontrent que le pays aurait été jusque là capable de sortir de la crise alimentaire sans l’aide alimentaire aux OGM.
La plainte que les Etats-Unis ont déposée récemment auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) contre l’Union Européenne, a ravivé la controverse.
Les Etats-Unis désignent d’un doigt accusateur le moratoire européen sur les OGM, comme étant la cause principale du refus africain des OGM sous forme d’aide alimentaire ( [1]). Tout récemment, l’UE a catégoriquement rejeté ces accusations ( [2]).
Un projet de loi relatif aux dépenses américaines dans le domaine de la lutte contre le SIDA vient d’être voté par le Congrès et adopté par le Sénat états-unien le 15 mai dernier (2003). Les Amis de la Terre sont très inquiets car ce texte contient un amendement conditionnant l’assistance dans la lutte contre le SIDA, à l’acceptation des OGM ( [3]).
Aujourd’hui, les Amis de la Terre-International rendent public leur rapport intitulé "Playing With Hunger" que l’on pourrait traduire par "OGM: la faim justifie les moyens !". Nous y passons en revue et étudions un certain nombre de cas de livraison d’OGM, sous forme d’aide alimentaire vers les 4 continents, depuis l’année 2000.
Selon ce rapport, le Programme Alimentaire Mondial (PAM/WFP) et l’Agence Etats-unienne pour le Développement International (USAID) auraient pu éviter, lors de la crise alimentaire de l’Afrique australe, la controverse autour des OGM contenus dans l’aide alimentaire. Depuis l’année 2000, ces deux institutions étaient conscientes de la controverse et des problèmes liés à la présence d’OGM dans l’aide alimentaire OGM. Elles auraient pu chercher de vraies alternatives pour éviter que l’aide alimentaire à ces pays dans le besoin ne contienne des OGM.
Une lettre exhortant le PAM et l’USAID à prendre des mesures nécessaires afin de garantir que dans le futur, l’aide alimentaire ne serve plus à forcer les nations à accepter les OGM, a été envoyée aujourd’hui par les Amis de la Terre. "Il existe des alternatives aux OGM mais on n’a pas laissé de choix aux pays africains. Cela ne doit plus se répéter", a déclaré Nnimmo Bassey. "Nous demandons au Programme Alimentaire Mondial et aux autres donateurs de s’assurer que dans l’avenir des alternatives réelles sont disponibles".
Le rapport critique le système de l’aide alimentaire et dévoile également le cynisme de la politique états-uniennene qui imposent une aide alimentaire contenant des OGM. Le Salvadorien Ricardo NAVARRO, Président de la Fédération Internationale des Amis de la Terre a déclaré : "Les USA principalement, se servent de l’aide alimentaire comme d’un outil de marketing, afin de conquérir de nouveaux marchés. Les grandes industries agro-alimentaires sont les bénéficiaires privilégiés du système d’aide alimentaire actuel. D’où la nécessité d’une réglementation plus stricte de l’aide alimentaire, afin d’éviter qu’elle ne serve à ouvrir de nouveaux marchés pour les produits OGM".
Notre rapport est publié un mois avant la tenue d’un sommet international important sur l’agriculture, du 23 au 25 juin 2003, à Sacramento (Etats Unis). Le ministère états-unien de l’Agriculture (USDA), l’USAID et le ministère des Affaires Etrangères sont les organisateurs de ce sommet, auquel doivent participer des Ministres du Commerce, de l’Agriculture et de l’Environnement de 180 pays. Le forum devrait permettre au gouvernement états-unien de faire la promotion des cultures OGM dans les pays en développement. L’USDA et l’USAID sont chargés de coordonner un des plus vastes programmes d’aide alimentaire dans le monde.
Note des auteurs : Notre rapport (en anglais) est disponible pour téléchargement sur le site des Amis de la Terre International : http://www.foei.org/en/resources/publications/food-sovereignty/2000-2007/hunger_factsheet.pdf/view
Notes
[1] Le 14 Mai, Robert Zoellick, ministre du Commerce états-unien (RDCA) déclarait que "le recours devant l’OMC contre l’interdiction des produits biotechnologiques a pour but de dissiper toutes les craintes : les conséquences dangereuses de ce moratoire européen ont éclaté au grand jour la saison dernière lorsque des pays africains, frappés par la famine, ont refusé l’aide alimentaire, à cause de peurs montées de toute pièce par une rhétorique irresponsable sur la sécurité alimentaire".
[2] Commission Européenne. Mai 2003. La Commission Européenne regrette la décision états-unienne d’intenter une action contre l’Union Européenne auprès de l’OMC sur les OGM, la jugeant peu judicieuse et inutile. La Commission Européenne a rejeté l’accusation des Etats Unis, quant à une prétendue responsabilité de l’Union Européenne dans la crise alimentaire africaine. Elle déclarait : "La raison essentielle de l’aide alimentaire doit être de satisfaire les besoins humanitaires urgents des populations dans le besoin. Jamais, il ne doit s’agir de faire la promotion des aliments OGM à l’extérieur, ni de faire planter des OGM pour l’exportation, ni de chercher des ouvertures pour les surplus domestiques, comme c’est malheureusement le cas de la politique alimentaire états-unienne".
[3] H.R.1298, loi américaine de Leadership contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le Paludisme votée au Sénat le 15 mai 2003. Pour lire tout le texte du projet de loi, aller sur les archives du Congrès : http://thomas.loc.gov/r108/r108.html , Cliquer sur Daily Digest, 15 mai et ensuite cliquer sur Senate passed H.R.1298, United States Leadership Against HIV/AIDS, Tuberculosis, and Malaria Act. Cliquer ensuite sur la dernière version, Section 104a