Le blog de Yannick LE MOING

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La lutte contre le réchauffement n'est pas l'ennemie de la croissance

Publié par Le Monde sur 16 Septembre 2014, 08:44am

Catégories : #Société et Environnement

« Lutte contre le changement climatique et croissance économique peuvent aller de pair » : l'idée prend à rebrousse-poil l'opinion généralement admise qui fait de la protection de l'environnement et du climat en particulier l'ennemie de la prospérité. A une semaine du sommet extraordinaire sur le climat convoqué mardi 23 septembre à New York par le secrétaire général des Nations unies, c'est pourtant la thèse défendue par le célèbre économiste sir Nicolas Stern et l'ancien président mexicain Felipe Calderon dans un rapport intitulé « Une meilleure croissance pour un meilleur climat ».

Depuis la publication de son premier compte rendu sur l'économie du climat, en 2006, dans lequel il prédisait un effondrement du PIB (produit intérieur brut) mondial de 5 % à 20 % à l'horizon de quelques décennies si les gouvernements ne s'attaquaient pas au réchauffement, le lord anglais, ancien économiste en chef de la Banque mondiale a acquis une notoriété peu contestée parmi ceux, de plus en plus nombreux, qui considèrent que le réchauffement n'est plus une question scientifique – les travaux du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) ayant démontré la réalité et l'origine anthropique du phénomène –, mais une question économique.

Comment convaincre les gouvernements d'agir alors que tout – chômage, pauvreté et conservatisme des intérêts en place – les poussent à différer des politiques de décarbonisation perçues comme trop douloureuses ?

« PLAN D'ACTION EN DIX POINTS »

Il y a un an, lord Stern et M. Calderon, entourés d'une commission composée d'anciens responsables politiques, de dirigeants de grandes entreprises – tel Paul Polman, le PDG d'Unilever – ou des banquiers – comme Chad Holliday, le président de Bank of America –, avaient promis de faire la démonstration inverse en travaillant « l'esprit ouvert » et « en écoutant sérieusement ceux qui nous disent que la transition énergétique peut faire du mal ».

Le rapport de 70 pages remis mardi 16 septembre aux sept pays (Colombie, Ethiopie, Indonésie, Corée du Sud, Norvège, Suède et Royaume-Uni) qui ont financé le projet ne promet pas le paradis à bon compte, mais trace un sillon dans lequel la réduction des émissions de gaz à effet de serre est possible sans mettre à terre les pays déjà prospères ni hypothéquer les rêves de développement des plus pauvres. Ce scénario vertueux, que les auteurs jugent nécessaire de mettre en place dans les quinze années à venir pour conserver des chances de contenir le réchauffement en deçà de 2 °C, suppose toutefois de profondes transformations. Elles sont résumées dans un « plan d'action en dix points ».

Le plus déterminant d'entre eux porte sur l'introduction d'un prix du carbone. « Il faut taxer la pollution en faisant payer chaque tonne de CO2 relâchée dans l'atmosphère », plaide Nicolas Stern, en expliquant que c'est à cette seule condition que les investissements publics et privés se porteront sur des technologies propres : sur l'énergie éolienne plutôt que sur le charbon, sur la voiture électrique plutôt que sur le diesel, etc. Le rapport ne fait cependant pas de recommandation sur le prix qu'il faudrait appliquer.

Il ne se prononce pas non plus sur l'instrument à privilégier, une taxe – comme l'applique par exemple la France à travers la contribution climat énergie ou un marché de quotas d'émissions de CO2, comme celui en vigueur dans l'Union européenne pour les installations industrielles. Pour les économistes, ils sont équivalents. L'essentiel est que chaque pays mette en place un dispositif qui disqualifie les activités polluantes.

VOLONTÉ DES ÉTATS

D'ici à 2030, la production mondiale, du fait notamment de la démographie, devrait augmenter de près de 50 %. Cela nécessitera, pour équiper les villes qui accueilleront l'essentiel de cette population, de satisfaire les besoins alimentaires et énergétiques, des investissements évalués à 90 000 milliards de dollars (69 000 milliards d'euros). Une somme colossale. Mais il n'en coûterait pas beaucoup plus cher de réaliser ces investissements en faisant les meilleurs choix pour le climat : 4 000 milliards de dollars supplémentaires, 5 % de plus, selon la commission Stern, qui plaide également pour la création d'instruments financiers donnant un avantage aux investissements « bas carbone » ainsi que pour l'élimination progressive des 600 milliards de dollars annuels de subventions accordées aux énergies fossiles.

L'incidence de ce big bang sur la croissance n'est pas nulle mais il est jugé largement surmontable – de l'ordre de 1 % à 4 % du PIB au cours des quinze prochaines années : « C'est comme si nous atteignions l'objectif que nous nous étions fixés avec six mois ou un an de retard. » Les perdants – car il y en aura – pourraient être dédommagés sur les revenus tirés de la taxation du carbone. Mais, là encore, le rapport estime qu'il y aura peu de pertes d'emplois. « Les modèles économétriques classiques ont jusqu'à présent surestimé les impacts négatifs de la transition énergétique, comme ils en ont minimisé les bénéfices », insiste-t-il.

Reste d'autres conditions qui ne relèvent pas des modèles mathématiques : elles s'appellent volonté des Etats et coopération internationale et figurent dans les premières recommandations du plan d'action. « Il est indispensable que cette transition s'inscrive dans un accord international sur le climat », qui garantisse que chaque Etat, de manière équitable, prend sa part du travail. A quinze mois de la conférence de Paris, où pourrait être scellé le premier accord mondial sur le climat, c'est précisément pour rappeler à ce devoir d'engagement que Ban Ki-moon réunit les chefs d'Etat à New York.

Lire le rapport : www.newclimateeconomy.report


Les dix recommandations

1. Intégrer l'impact du changement climatique dans toutes les décisions économiques, publiques et privées

2. Signer un accord mondial sur le climat ambitieux et équitable

3. Eliminer les subventions aux énergies fossiles

4. Taxer les émissions de CO2

5. Donner un avantage financier aux investissements « bas carbone »

6. Multiplier par trois les dépenses de recherche et de développement dans les technologies propres

7. Constuire des villes compactes

8. Stopper la déforestation d'ici à 2030

9. Restaurer au moins 500 millions d'hectares dégradés d'ici à 2030

10. Accélérer la sortie du charbon

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