Le 5 octobre prochain les Brésiliens éliront leur prochain président de la République. Après la mort accidentelle du candidat socialiste Edouardo Campos le 13 août dernier, sa colistière Marina Silva, écologiste convaincue, est désormais désignée comme la principale adversaire de la présidente sortante Dilma Rousseff.
Selon le quotidien Folha de São Paulo, dans un probable second tour, Marina Silva serait en effet donnée gagnante à 47% contre 43% pour Dilma Rousseff.
Comment expliquer l’engouement autour de la personne de Marina Silva à un mois du scrutin ?
Le parcours et la personnalité de Marina Silva forcent l’admiration des Brésiliens qui voient en elle un espoir pour les jeunes générations des favelas : issue d’une famille pauvre de onze enfants, elle est analphabète jusqu’à l’adolescence et décroche à 26 ans une licence d’Histoire avant de s’engager en politique au sein du Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores). Sa ferveur religieuse et son obédience évangéliste jouent également en sa faveur puisque près d’un quart des Brésiliens sont de confession évangéliste.
Un programme qui séduit toutes les populations
Sur le plan écologique, Marina Silva insiste lourdement sur la nécessité de protéger le patrimoine brésilien que représente l’Amazonie. Les jeunes générations, informées via les réseaux sociaux et internet des effets pervers d’une croissance dérégulée (pollution, déforestation…), louent la conscience verte de la candidate socialiste.
Les jeunes électeurs apprécient également l’anticonformisme que représente Marina Silva face aux politiques « traditionnels » du camp Lula et Rousseff. Très sensible aux revendications des jeunes classes moyennes lors des manifestations populaires, elle axe son programme économique sur la résorption progressive de l’inflation galopante pour réduire le coût de la vie, en particulier le prix des transports. Pour ce faire, elle a fait le choix (judicieux) de s’entourer de l’économiste Eduardo Giannetti da Fonseca et de la sociologue Neca Setubal, fille du fondateur de la banque Itau, deux personnalités de l’économie brésilienne.
A l’encontre de Dilma Rousseff qui avait marqué les esprits par son interventionnisme dans l’économie (multiples réajustements des impôts, mesures restrictives pour certaines entreprises énergétiques…), Marina Silva préfère s’en référer à son entourage avisé et laisser les marchés s’auto-réguler. Une mesure qui rassurera à coup sûr les investisseurs qui boudent depuis plusieurs années le pays. Pour le secteur financier, l’élection de Marina Silva serait un immense saut dans l’inconnu, tant la candidate est connue pour sa versatilité ; mais les programmes sociaux de la présidence Rousseff ont laissé de lourdes séquelles économiques, notamment pour certains fleurons de l’industrie brésilienne (le bénéfice net de Petrobras a chuté de 20% au deuxième trimestre 2014 par rapport à la même période l’année passée, principalement pour des raisons fiscales).
En jouant sur plusieurs tableaux, Marina Silva semble être en définitive une candidate redoutable pour Dilma Rousseff à l’approche du scrutin présidentiel. Néanmoins, pour être élue, Marina Silva devra faire face à deux défis majeurs : d’une part convaincre deux cent millions de Brésiliens que son programme est viable et réalisable dans son intégralité (en particulier face à la pragmatique Dilma Rousseff, inspirée par la présidence Lula) ; d’autre part prendre garde à la manipulation des médias et des réseaux sociaux qui sévit depuis le début de la campagne : fausses rumeurs et discrédits en cascade pourraient à tout moment faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.