Le pape François est intervenu au siège de l'organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), lors d’une conférence internationale sur la nutrition, jeudi 20 novembre 2014
Le pape François a soulevé le problème des groupes de pression, du conditionnement politique et le rôle de la spéculation financière lors d’une intervention au siège de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Cette institution des Nations Unies organise avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) une réunion intergouvernementale de trois jours à Rome sur les grands problèmes nutritionnels du moment. Cette conférence internationale est la deuxième du genre après une première en 1992. Comme le rappellent ses organisateurs, plus de la moitié de la population de la planète souffre de malnutrition.
Des formules chocs au milieu de passages plus diplomatiques
Distillant des formules chocs au milieu de passages plus diplomatiques dans un discours sans aucun chiffre, de nature d’abord politique, le pape a invité les États à se soucier d’abord de ceux qui ont faim avant leurs propres intérêts, lesquels sont liés à des lobbys. « On atteint les limites de mesures basées sur une souveraineté nationale considérée comme absolue, où les intérêts nationaux sont fréquemment conditionnés par quelques groupes de pouvoir », a-t-il déclaré, lisant son discours en espagnol, à propos de négociations en cours entre gouvernements sur des normes alimentaires.
Toujours au regard des lobbys, le pape a dénoncé « le conditionnement politique ou économique en matière de disponibilité alimentaire ».
Une préoccupation en écho à celle exprimée, en particulier par les évêques africains, durant le Synode sur la famille le mois dernier, selon qui l’aide financière d’organisations internationales est soumise à l’adoption de lois jugées par l’Église catholique contraires à la famille (point 56 du rapport final).
« La dignité, non l’aumône »
La spéculation sur le cours des matières agricoles a aussi été visée par le pape François, appelant à une « justice de partage et de distribution ».
« La lutte contre la faim et la malnutrition est souvent bloquée par la priorité du marché et la dictature du profit, qui réduisent les aliments à une marchandise sujette à la spéculation », a-t-il déclaré.
« L’affamé demande la dignité, non l’aumône », a-t-il poursuivi, déclenchant alors des applaudissements – et de nombreux tweets de cette phrase.
Le pape la reprendra devant le personnel de la FAO rencontré après son intervention et qu’il a encouragé à conjuguer professionnalisme et « un sens fort d’humanité ».
Reprenant dans son discours ce qu’il avait exprimé pour la journée mondiale de l’alimentation le 16 octobre 2013, le pape François s’est aussi inquiété du gaspillage.
« Le surplus et le rebut, la surconsommation et l’usage détourné d’aliments sont monnaie courante », a-t-il déclaré, citant son prédécesseur Jean-Paul II venu à la première conférence sur la nutrition à la FAO et avait alors soulevé le « paradoxe de l’abondance » : « Malheureusement, ce paradoxe est plus que jamais actuel ».
« Choyer notre sœur et mère la Terre »
Quittant un instant son texte préparé, le pape a eu un mot aussi sur la protection de l’environnement alors qu’une encyclique sur l’écologie humaine est en préparation.
« Dieu pardonne toujours, les hommes parfois, la Terre jamais », a-t-il lancé, selon une formule qu’il aime employer.
« Nous devons choyer notre sœur et mère la Terre afin d’éviter qu’elle anéantisse l’humanité », a-t-il continué dans un langage emprunté à François d’Assise.
Toujours sur l’environnement, devant le personnel de la FAO ensuite, le pape a évoqué la question de l’eau : « L’eau n’est pas gratuite, comme tant de fois nous pensons. Ce sera un grave problème qui peut conduire à une guerre », a-t-il prévenu.
Très applaudi par une salle debout, son discours à la FAO marque le premier d’une série d’interventions politiques qu’entreprend le pape François.
Le 25 novembre prochain, il s’exprimera successivement devant le Parlement européen et le Conseil de l’Europe.