Par Isabelle Piquer (Madrid, correspondance)
Le groupe pétrolier espagnol Repsol a décidé d’abandonner la recherche d’hydrocarbures au large des îles Canaries, après avoir jugé insuffisante la qualité du pétrole et du gaz découverts. « Les prospections ont confirmé que du gaz et du pétrole ont bien été produits dans ce bassin mais les dépôts sont saturés d’eau et les hydrocarbures présents sont disposés en couches très fines non-exploitables », a annoncé le groupe dans un communiqué vendredi 16 janvier. « Il y a du gaz (depuis le méthane jusqu’à l’hexane) mais pas en volume ni en qualité suffisants pour envisager un forage », a ajouté Repsol.
La nouvelle a été applaudie par les groupes écologistes et par le gouvernement régional – présidé par Paulino Rivero, à la tête de la coalition nationaliste de centre-droit – qui avaient tout tenté pour stopper les prospections, sans succès. « Repsol, le ministère de l’industrie et le gouvernement du PP [Parti Populaire au pouvoir] ont perdu la partie et les Canaries ont gagné », s’est félicité M. Rivero peu après l’annonce.
Feu vert du gouvernement de Madrid
Le gouvernement de Madrid avait donné son feu vert à la société pétrolière pour procéder à trois sondages dans la zone. Il avait ensuite fait bloquer, par le tribunal constitutionnel, un référendum que voulait organiser le président des Canaries. « Pour un pays avec un tel niveau de dépendance énergétique (plus de 80 %) il est bon de savoir s’il possède ou non » des hydrocarbures, a affirmé vendredi la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaría, en défendant toujours le projet.
Pour l’association espagnole Ecologistes en action, le gouvernement doit à présent revenir sur les autres permis d’exploration pétrolière accordés au large des régions côtières et de l’archipel des Baléares, en Méditerranée.
Repsol avait fait miroiter des créations d’emplois
L’opération du Rowan-Renaissance, le bateau de Repsol qui effectuait les sondages au large des Canaries, aura duré soixante-trois jours. Il est arrivé à sonder jusqu’à 3 093 mètres de profondeur. Les opérations qui, d’après la société, ont mobilisé « 750 professionnels venant de plus de 50 entreprises » avaient démarré le 18 novembre 2014, dans la polémique. Repsol se battait depuis deux ans pour chercher des hydrocarbures dans cette zone de 616 000 hectares, située à une cinquantaine de kilomètres des îles de Lanzarote et Fuerteventura, entre les côtes espagnoles et marocaines.
Pour essayer de convaincre l’opinion publique, férocement opposée au projet, Repsol avait fait miroiter les importants investissements prévus pour les sondages pétroliers – 280 millions d’euros – ainsi que des créations d’emplois, dans une région où le chômage frôle les 34 %.
Mais les Canaries craignaient avant tout les effets des prospections sur le tourisme, principale activité économique de l’archipel qui, en 2013, a accueilli près de 10,5 millions de visiteurs. Les écologistes, eux, dénonçaient un possible un impact sur la faune et la flore et des risques sismiques. Ils mettaient en avant l’importance écologique de la zone située près des côtes africaines – elle est traversée par les cétacés et les tortues marines –, classée zone spéciale de protection des oiseaux.
Greenpeace avait envoyé en novembre son navire Arctic-Sunrise dans la zone pour dénoncer les prospections mais il avait été mis sous séquestre par les autorités. Quant au Rowan-Renaissance, a annoncé Repsol, il « retournera en Angola pour poursuivre le programme de recherches d’hydrocarbures » que la compagnie mène dans ce pays.