Ces quatre figures de la Résistance, souvent méconnues, entrent au Panthéon ce mercredi. La Nation leur rendra hommage par la voix de François Hollande qui prononcera à cette occasion un discours qualifié d'historique.
Les dépouilles de quatre héros de la Résistance feront leur entrée au Panthéon ce mercredi 27 mai. Il s'agit de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette, Germaine Tillion et Jean Zay. Ces résistants y rejoindront d'autres figures de la République comme Jean Moulin, Jean Jaurès, Emile Zola ou encore Victor Hugo.
La cérémonie d'hommage débutera à 17 heures avec un cortège qui accompagnera les cercueils jusque dans la nef du Panthéon. François Hollande prononcera ensuite un discours d'ores et déjà qualifié d'historique. "Ce discours du président sera certainement l'un des plus importants de son quinquennat", confie un proche du chef de l'Etat.
Le président devrait commencer par rappeler que ces quatre figures honorées, "très différentes par leurs origines, leurs parcours, leur histoire et leur postérité, sont inséparables par ce qu'elles ont traversé et leur dévouement pour la Nation et pour la République". Il ranimera aussi le souvenir de ces résistants souvent méconnus pour souligner "ce qui les rassemble, l'esprit de résistance précisément, le courage et la transmission à travers leurs discours et la trace qu'ils ont laissée dans l'histoire".
- Pierre Brossolette (1903-1944)
Intellectuel brillant, Pierre Brossolette fut l'un des chefs les plus prestigieux de la Résistance. Né le 25 juin 1903 à Paris dans une famille laïque et républicaine, il se révèle rapidement être un élève brillant. Après des études khâgne au lycée Louis-le-Grand, il est reçu premier, à 19 ans et devant le futur philosophe Vladimir Jankelevitch, à Normale sup et décroche l'agrégation d'histoire. Il collabore ensuite à de nombreuses publications comme journaliste (Notre Temps, Excelsior, Marianne, Populaire) tout en continuant d'enseigner.
Homme engagé, Pierre Brossolette devient au cours des années 1920-1930, membre actif de la ligne des droits de l'Homme, de la Ligue internationale contre l'antisémitisme et adhérent de la Section française de l'internationale ouvrière (SFIO). Il prend très rapidement conscience de la menace nazie. Dès 1930, il prévient: "si nous n'aidons pas la République de Weimar (...) nous aurons un dictateur en Allemagne et, comme tous les dictateurs, il amènera la guerre". En 1936, il se présente sans succès à des élections dans l'Aube avec l'étiquette "Front populaire".
Interdit d'enseigner par Vichy, il entre dans la clandestinité dès début 1941 et s'investit dans la Résistance. A Londres, il devient proche du colonel Passy. S'il s'est rallié au Général de Gaulle sans réserve et a oeuvré à l'unification de la Résistance, il reste un indiscipliné et s'oppose à Jean Moulin qui l'éclipsera dans la postérité. Socialiste, il suscite l'hostilité des communistes et tient tête à de Gaulle. Arrêté en Bretagne, torturé pendant deux jours au siège parisien de la Gestapo, il finit par se jetter par la fenêtre le 22 mars 1944, pour ne pas livrer à ses bourreaux ses secrets essentiels de la France libre.
- Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002)
La nièce du général de Gaulle - fille de son frère aîné Xavier - a, de Ravensbrück aux bidonvilles de banlieue, combattu sans relâche ce qu'elle appelait "l'inacceptable". Née le 20 octobre 1920 à Saint-Jean-de-Valériscle (Gard), Geneviève de Gaulle-Anthonioz suit ensuite des études en histoire à la Sorbonne. Lors de l'occupation allemande, elle rejoint très vite le camp des résistants. Elle intègre ainsi le Réseau du Musée de l'Homme, un des premiers mouvements de la Résistance française créés à Paris. Dénoncée et arrêtée en juillet 1943, elle est internée à Fresnes, puis déportée en janvier 1944 à Ravensbrück avec le matricule 27372. Elle y côtoiera Germaine Tillion et Marie-Claude Vaillant-Couturier. Expérience qu'elle n'évoquera qu'à la toute fin de sa vie, en 1998, dans le livre "La traversée de la nuit" . Elle est libérée en avril 1945.
Revenue de l'enfer, elle aurait pu se satisfaire de sa vie de mère de famille - quatre enfants avec son mari, le résistant Bernard Anthonioz - et de son travail au ministère de la Culture avec André Malraux. Mais, en 1958, elle rencontre le père Joseph Wresinski, créateur du mouvement "Aide à toute détresse", qui deviendra ATD Quart-Monde, et dont elle prendra la présidence en 1964. Elle fonde aussi l'association des anciennes déportées et internées de la Résistance. Au printemps 1996, à 76 ans, cette petite femme d'apparence fragile mais forte comme l'acier plaide, devant les députés, en faveur d'un projet de loi de cohésion sociale finalement adopté, après bien des avatars, en 1998. La même année, elle avait été la première femme décorée de la Grand-croix de la Légion d'honneur. Son dernier livre s'appelle "Le secret de l'espérance".
- Germaine Tillion (1907-2008)
Héroïne de la Résistance, grande ethnologue, elle fut une inlassable combattante des droits de l'Homme. Déportée trois ans à Ravensbrück, en même temps que sa mère Emilie qui n'en reviendra pas, elle s'applique à étudier le système concentrationnaire "comme une famille de chacals". Celle qui se disait "patriote française mais plus encore, patriote de la justice et de la vérité", était née le 30 mai 1907 à Allègre (Haute-Loire) dans une famille d'intellectuels catholiques. Elle suit ensuite des études à l'Ecole du Louvre, notamment en archéologie et histoire de l'art. Elève en ethnologie du sociologue Marcel Mauss, elle part en 1934 enquêter dans les Aurès sur la population berbère. Mi-historienne, mi-reporter, elle y effectue quatre missions. Elle participe à la création du "Réseau du Musée de l'Homme", un mouvement de résistants. Elle se fait arrêtée en août 1942 par les Allemands. Sa libération intervient le 23 avril 1945 grâce à l'intervention de la Croix-Rouge suédoise.
A son retour des camps, elle travaillera au CNRS et à l'Ecole pratique des Hautes études. En 1955, elle renoue avec l'Algérie où elle analyse les dysfonctionnements de la société coloniale et enquête sur la torture. "Mise à part ma captivité en Allemagne, j'ai été libre tout le temps", assurait celle qui était l'une des Françaises les plus décorées. Elle décède le 19 avril 2008 à son domicile.
- Jean Zay (1904-1944)
Résistant, républicain et humaniste, ministre de l'Education du Front populaire, Jean Zay est une victime emblématique de Vichy, assassiné par la Milice. Ce laïc se lance en politique aux côtés de la gauche radicale, après avoir été journaliste et avocat. Initiateur de la démocratisation de l'enseignement et de la culture, on doit à ce jeune visionnaire franc-maçon, la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans, l'éducation physique à l'école, l'interdiction du port d'insignes politiques et religieux dans les établissements scolaires. Père fondateur du Festival de Cannes (qui aurait dû être inauguré en septembre 1939), il démocratise les musées, a l'idée du Palais de la Découverte, du CNRS et de l'ENA.
Né à Orléans le 6 août 1904, il était devenu le plus jeune député de France à 27 ans puis ministre de Léon Blum à 31. Il démissionne dès le 1er septembre 1939, pour rejoindre son poste aux armées, et s'embarque avec 26 autres parlementaires pour Casablanca à bord du "Massilia". Arrêté à Rabat, le 16 août 1940, renvoyé en métropole, cet homme de convictions est condamné pour "désertion" à la déportation perpétuelle et à la dégradation militaire. Il croupit près de quatre ans en prison à Marseille puis à Riom (Puy-de-Dôme). Le 20 juin, il est tiré de sa cellule et abattu dans une carrière abandonnée. Arrêté ultérieurement, un de ses assassins témoigne qu'il est mort en s'écriant: "Vive la France".