En 1825, Dumont d'Urville, alors capitaine de frégate, en est vivement frappé par le sort de cette expédition. Il prend la tête d'une nouvelle entreprise de circumnavigation qui part de Toulon le 25 avril. Il faut attendre 1826-1827 pour que le capitaine marchand Peter Dillon découvre les restes du naufrage à Vanikoro, Îles Santa Cruz (Îles Salomon), au nord du Vanuatu. Plusieurs plongées sur le site permettent de localiser les épaves dans les années 1960, ainsi que plusieurs missions d'archéologie sous-marine, conduite par l'association Salomon, entre 1981 et 2009.
Le roi Louis XVI lança une des plus grandes expéditions de découverte de son époque. Il souhaitait rectifier et achever la cartographie de la planète, établir de nouveaux comptoirs commerciaux, ouvrir de nouvelles routes maritimes autour du monde, enrichir les connaissances et les collections scientifiques.
Tous les savants furent invités à faire connaître l'espèce de recherches les plus propres à hâter les progrès des connaissances humaines ; et plusieurs d'entre eux s'embarquèrent sur les bâtiments de la Pérouse, avec la mission expresse de s'occuper de celles qui avaient été désignées (voir : Robert de Lamanon et Jean-André Mongez).
L'expédition, composée de 220 hommes, quitte Brest le 1eraoût1785 sur deux navires, la Boussole et l'Astrolabe, des gabares, navires marchands de 500 tonneaux reclassifiés comme frégates pour la circonstance.
Composition
De nombreux scientifiques participent à l'expédition : un astronome, un médecin, trois naturalistes, un mathématicien, trois dessinateurs, des physiciens, un interprète, un horloger, un météorologue, ainsi que des prêtres possédant une formation scientifique. Les objectifs sont nombreux : géographiques, scientifiques, ethnologiques, économiques (prospection des possibilités de chasse à la baleine ou de collecte de fourrures), mais aussi politiques avec l'établissement éventuel de bases françaises ou de coopération coloniale avec les alliés espagnols aux Philippines. Le programme d'exploration doit le conduire dans le Pacifique Nord et le Pacifique Sud, y compris sur les côtes d'Extrême-Orient et d'Australie. Les résultats de l'expédition furent connus par courrier dans les escales ayant des liaisons avec les pays européens.
Préparatifs
Dès mars 1785, La Pérouse a proposé que Paul Monneron, qui a été choisi comme ingénieur en chef de l'expédition, aille à Londres afin d'obtenir les dernières conclusions sur les remèdes antiscorbutiques préconisés par Cook. Sa mission consiste aussi à prendre des renseignements sur les articles d'échange utilisés par Cook. Accessoirement, il peut aussi acheter des instruments scientifiques de fabrication anglaise
Aspect plus connu de cette mission, Joseph Banksintervient auprès de la Royal Society pour obtenir qu'elle prête deux boussoles d'inclinaison ayant appartenu à Cook. Monneron achète également les instruments scientifiques figurant sur la liste dressée par Fleurieu, en ayant recours aux plus grandes firmes anglaises, en particulier Ramsden. Il dépasse même les directives de Fleurieu en faisant par exemple l'acquisition de deux sextants d'un type nouveau.
Le voyage de Monneron constitue sans doute le meilleur exemple de ce que représente le précédent de Cook, une référence fidèlement copiée, mais que l'on espère dépasser par la minutie des préparatifs.
De leur côté, les astronomes et les géographes de l'expédition de La Pérouse calquent leurs méthodes de travail sur celles de Cook, fondées sur l'association des deux façons de calculer la longitude — distance de la lune au soleil et chronomètre de précision — suivie de triangulations au théodolite, ou de relèvements pris du navire, analogues à ceux que le navigateur anglais a effectués pour ses cartes des îles du Pacifique. Pour les relèvements, la méthode préconisée par Fleuriot de Langle est exactement à l'imitation de celle de Cook. En matière de géographie, La Pérouse démontre de manière décisive la rigueur et la sûreté des méthodes éprouvées par Cook. À partir de son voyage, la résolution du problème des longitudes devient une évidence et la cartographie atteint une précision scientifique. Gêné comme l'avait été Cook par les brumes continuelles enveloppant la côte nord-ouest de l'Amérique, il ne réussit toutefois pas davantage à en dresser la carte complète, mais il contribue à en diminuer les lacunes.
Elle passe par l'île de Pâques le 10 avril. Pour La Pérouse la découverte du monde est aussi celle des hommes
Hawaï
Le 28 et 29 mai, l'expédition est à Mowee (aujourd'hui Maui) dans l'archipel des îles Sandwich (aujourd'hui Hawaii)
L'Alaska
L'expédition atteint l'Alaska, où La Pérouse débarque près du mont Saint-Élie à la fin de juin 1786 et explore les environs. Il visite ainsi les indiens Tlingits.
Une barge et deux chaloupes transportant 21 hommes sont perdus dans les courants violents de la baie nommée « Port des Français » par La Pérouse (aujourd'hui baie Lituya). Joseph de Raxi de Flassan commandait le canot de l'Astrolabe.
Californie
Ensuite, il fait escale à Monterey à la mi-septembre 1786en Californie, où il décrit les missions franciscaines et rédige des notes critiques sur le traitement des Amérindiens.
Il traverse ensuite à nouveau le Pacifique, relâchant à la colonie portugaise de Macao du 3 janvier au 5 février, où il vend les fourrures achetées en Alaska, partageant le profit avec son équipage. Le naturaliste et chroniqueur de l'expédition, Jean-Nicolas Dufresne (1747-1812), est débarqué à Macao le 1er février 1787 pour rapporter en France le journal des mémoires de la première partie de l'expédition de La Pérouse.
Manille
Après une escale à Manille alors sous influence espagnole, on effectue des réparations de fin février à mi-avril. La Pérouse quitta les Philippines le 10 avril, pour se rendre sur les côtes de Tartarie et des îles du Japon. Cette portion du globe n'était alors connue que par des traditions recueillies par les missionnaires. La Pérouse est le premier qui ait levé les doutes que ces récits confus avaient fait naître.
Formose, Corée
Il se dirige vers les côtes nord-est de l'Asie. Le 6 mai, il est aux côtes de Formose. Le 19 mai, ce sont les côtes de Corée. Puis le 21 mai, il redécouvre l'île Quelpart (Jeju-Do), décrite seulement une fois auparavant par un Européen, Hendrik Hamel, qui y fit naufrage en 1653. Il visite la côte est de la péninsule coréenne, et continue vers le nord le long des côtes de Tartarie.
Tartarie, Japon
Le 25 juin, l'expédition est à Terney en Tartarie. Se trouvant, le 24 juillet, par 51° 1/2 de latitude, la profondeur de l'eau diminua tout à coup, et l'on fut obligé de s'arrêter. La Pérouse chercha vainement un passage où ses frégates pussent entrer sans danger. Il traversa plusieurs fois le canal en allant alternativement de l'est à l'ouest, et s'assura que les hauts fonds qui l'avaient arrêté barraient entièrement le passage. Le vent du sud, qui commença à souffler avec assez de violence, et qui le poussait vers ces dangers, rendit sa position périlleuse. Heureusement une belle baie, qu'il découvrit à la côte de Tartarie, lui offrit un asile sûr ; et les frégates vinrent s'y mettre à l'abri. Cette baie fut appelée baie de Castries au fond du détroit de Tartarie.
Des canots visitèrent les lieux où les frégates n'avaient pu pénétrer. On ne trouva aucun passage ; il fut même impossible de s'avancer jusqu'à l'embouchure du fleuve Amour, dont on n'était pas éloigné. L'opinion de La Pérouse fut que l'île Ségalien, qui lui restait dans l'est, se trouve effectivement détachée de la côte de Tartarie, mais que le canal qui les sépare est obstrué par les dépôts du fleuve Amour, qui se décharge précisément à l'endroit le plus resserré. La Pérouse, en revenant au sud, ne s'écarta pas de la côte de l'île Ségalien et y découvrit par 45° 10' de latitude, au sud du cap Crillon, le détroit qui porte son nom. Les récits des missionnaires avaient jusqu'alors confondu sous le nom de terre de Jesso toutes les terres qui sont au nord du Japon. La découverte de ce détroit nous a fait connaître qu'elles forment deux îles, dont l'une est Ségalien, détachée par le détroit de la Pérouse, et l'autre, l'île Chika, séparée de la grande île du Japon par le détroit de Sangaar, que l'on connaissait depuis longtemps. De Vries, navigateur hollandais, qui découvrit la terre des États, située à l'est du détroit de La Pérouse, en 1643, avait pris les terres de Ségalien et de Chika pour les pointes avancées d'une grande baie, dans laquelle il n'avait pas voulu risquer de s'engager. La fréquence des brumes, qui a si fort embarrassé la navigation des frégates françaises, a été sans doute la cause de son erreur.
Le 15 août au détroit de La Pérouse (entre le Japon et Sakhaline), les habitants d'Hokkaido lui montrent une carte, mais il ne trouve pas le détroit et met le cap au nord vers la péninsule du Kamtchatka, qu'il atteint en septembre 1787. La Pérouse, après avoir vérifié les découvertes des Hollandais, traversa les îles Kouriles, entre l'île de la Compagnie, ainsi nommée par de Vries, et l'île Murikan ; le détroit reçut le nom de canal de la Boussole.
Russie
Il vint ensuite relâcher au Kamtchatka, et se repose chez des Russes. Du 6 au 29 septembre, l'expédition s'arrête à Saint-Pierre et à Saint-Paul (Avatcha, Petropavlovsk) au Kamtchatka. Il reçoit des instructions de Paris par le truchement du vice-consul de France à Kronstadt, de faire un rapport sur la colonisation en Australie.
Barthélemy de Lesseps, oncle du constructeur du Canal de Suez, interprète de russe, quitte l'expédition pour ramener par voie de terre, à travers la Sibérie, les études, dessins et spécimens déjà recueillis. Au terme d'un voyage d'un an, il revient en France et rend compte au roi.
Il navigue ensuite vers Botany Bay, qu'il atteint le 26 janvier 1788, juste au moment où le capitaine Arthur Phillip transfère la colonie à Port Jackson (Sydney). Les Britanniques le reçoivent avec courtoisie, mais ne peuvent lui fournir des vivres, car ils n'en ont pas de disponibles.
Il donne ses journaux et lettres afin qu'ils soient transmis en Europe et obtient du bois et de l'eau fraîche. Il repart à mi-mars.
« Je remonterai aux îles des Amis, et je ferai absolument tout ce qui m'est enjoint par mes instructions relativement à la partie méridionale de la Nouvelle-Calédonie, à l'île Santa-Cruz de Mendana, à la côte sud de la terre des Arsacides de Surville, et à la terre de la Louisiade de Bougainville, en cherchant à connaître si cette dernière fait partie de la Nouvelle-Guinée, ou si elle en est séparée. Je passerai, à la fin de juillet 1788, entre la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Hollande, par un autre canal que celui de l'Endeavour, si toutefois il en existe un. Je visiterai, pendant le mois de septembre et une partie d'octobre, le golfe de la Carpentarie et toute la côte occidentale de la Nouvelle-Hollande jusqu'à la terre de Diemen, mais de manière cependant qu'il me soit possible de remonter au nord assez tôt pour arriver au commencement de décembre 1788 à l'île de France »
Une expédition partit à la recherche de La Pérouse en septembre 1791. Dirigée par Antoine Bruny d'Entrecasteaux, elle part de Brest le 28 septembre avec deux frégates La Recherche et L'Espérance. Elle atteint l'île des Pins le 16 juin 1792 ; puis le 19 mai 1793, l'expédition découvrit une île nouvelle que d'Entrecasteaux baptisa l'île de La Recherche. Or c'est sur cette île (également appelée Vanikoro) que les survivants de l'expédition La Pérouse (et peut-être La Pérouse lui-même) avaient trouvé refuge. L'expédition poursuivit sa route vers Surabaya sans jamais l'atteindre.
À la suite de rumeurs, Jules Dumont d'Urville se mit également à la recherche de La Pérouse.
Peter Dillon
Il fallut attendre 1826-1827 pour que le capitaine marchand Peter Dillon découvre les restes du naufrage à Vanikoro, Îles Santa Cruz (Îles Salomon), au nord du Vanuatu. Il découvrit la cloche de l'Astrolabe (le deuxième navire commandé par Fleuriot de Langle) et des pierriers de bronze qui avaient été conservés par les habitants. Quant à la Boussole pas la moindre trace. Il apprit sur l'île de Vanikoro « comment deux grands navires s'étaient échoués par une nuit de grande tempête : l'un aurait coulé, l'autre se serait échoué et les survivants auraient pu s'installer sur un point de Vanikoro, nommé Paiou. Cinq ou six mois après, une partie des survivants seraient repartis à bord d'un petit bateau fabriqué avec les débris du grand. L'autre partie resta à Vanikoro, se mêla aux affrontements des indigènes. Le dernier des survivants serait mort peu avant la venue de Peter Dillon ».
Dans les années qui suivirent, deux autres explorateurs français passent par Vanikoro : Legoarant de Tromelin retrouve les ancres et les canons qui sont déposés, depuis 1884, au pied du monument dressé en l'honneur de La Pérouse par la ville d'Albi.
Les années 1960
En juin 1962, un plongeur néo-zélandais fixé à Port Vila accompagne Pierre Anthonioz dans son expédition. Reece Discombe prospecte le récif de part et d'autre du gisement de l'Astrolabe et repère rapidement, par 15 mètres de fond, des formes d'ancres et de canons pris dans le corail. Il remonte un plomb de sonde qu'il pense être de La Boussole.
En février 1964, Reece Discombe revient sur les lieux et il remonte des pierriers, une poulie de bronze. En mars, avec l'amiral de Brossard de la Marine nationale, il retrouve beaucoup d'objets dont une partie est exposée au musée d'Albi, dont une cloche attribuée à La Boussole.
Les recherches de l'association Salomon
L'Association Salomon, créée en 1981 par Alain Conan, Nantais d'origine et vivant en Nouvelle-Calédonie, se donne pour but de lever le mystère sur la fin tragique de l'expédition de La Pérouse. Plusieurs campagnes de fouilles ont été menées avec l'aide de la marine nationale qui a apporté un concours matériel et humain, et le ministère de la Culture qui a dépêché des équipes du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). À terre, ce sont les archéologues de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) qui ont œuvré.
En 1981, environ trois cents pièces sont sorties des eaux : de la vaisselle, de la monnaie… mais l'issue de cette campagne ne lève pas le voile sur l'identification des deux navires La Boussole et L'Astrolabe. Une nouvelle campagne en 1986 permet l'identification des deux épaves. L'Astrolabe s'est échoué sur un rocher non loin de La Boussole qui se serait déchiré sur les récifs de Vanikoro. En 1990, les archéologues essayent, sans succès, de retrouver à terre les traces d'un campement français. La tradition orale des indigènes évoquait en effet un camp, où les Français se seraient installés après le naufrage. En 1999, le camp où ont résidé les naufragés est enfin mis au jour, dans le lieu-dit Païou, sur la rive droite de la rivière Lauwrence. Malgré des conditions climatiques difficiles, au milieu de la pluie et de la boue, les archéologues de l'IDR dégagent les preuves incontestables de l'installation d'un camp. Les restes d'une palissade sont découverts, ainsi que de nombreux objets, notamment des boutons d'uniformes de marine. La campagne de fouille est filmée par France 3 pour le magazine Thalassa et le documentaire est diffusé sous le titre « Le mystère de Vanikoro », le 12 janvier 2001. En mer, de nombreux objets sont remontés à la surface.
En 2003, l'expédition est marquée par la découverte du squelette d'un compagnon de La Pérouse. Quelques mois plus tard grâce au travail de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale au fort de Rosny-sous-Bois, il a été établi un portrait-robot. Il s'agirait d'un scientifique de l'expédition (Jean-André Mongez ? Joseph Lepaute Dagelet ?) mais son nom reste un mystère.À nouveau l'expédition est filmée pour Thalassa « Sur les traces de Lapérouse : portés disparus » et diffusée le 11 juin 2004. En 2005, les frégates sont identifiées. La découverte d'un sextant portant le nom « Mercier », nom de son fabricant, apporte la confirmation (avec bien d'autres éléments) que le comte de La Pérouse aurait bien sombré sur le site dit de « La Faille » et n'aurait donc pas survécu au naufrage. En 2008, la 8e expedition sur les traces de Lapérouse à Vanikoro a duré un mois (du 15 septembre au 15 octobre), fouilles sur terre et en mer. Cent cinquante objets ont été remontés par les plongeurs depuis la faille où gît l'épave de la Boussole. Pas de découverte majeure, mais beaucoup d'objets que les hommes de Lapérouse avaient glanés au cours de leur périple : de la porcelaine de Nankin, une statuette amérindienne. À terre, aucune trace de tombes.
Au total, quelque 2000 objets ont été retrouvés et rassemblés. Les plus belles pièces sont actuellement exposées au Musée de la Marine, à Paris. D'autres sont à voir au musée Lapérouse à Albi.
Postérité
Selon une anecdote apocryphe à l'authenticité invérifiable, Louis XVI, passionné par la marine et l'exploration des mers, peu avant de passer sur l’échafaud, en 1793, aurait demandé : « A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ? ». La disparition subite du navigateur et de son équipage était, en effet, à l'époque, l’objet de tous les fantasmes.