mercredi 23 décembre 2015 par Mireya Castañeda
« Eusebio Leal : Sans mémoire, nous ne sommes rien. »
Le traditionnel tour de la ceiba au Templete, la veille du 16 novembre.
Le cinéaste cubain Fernando Pérez a façonné comme personne auparavant une image cinématographique de la ville dans son film, désormais anthologique, Suite Havane (2003). C’est en référence au titre de ce film que démarre cet article dédié à la magie de cette ville qui il y a quelques jours a fêté ses 496 ans.
Une date nous convoque : le 16 novembre. Ce jour-là, en 1519, le conquistador espagnol Diego Velasquez fonda Saint-Christophe de La Havane, la dernière de sept villes.
Il ne s’agit pas d’un anniversaire de plus, mais du prélude à la grande célébration des 500 ans de la fondation de cette Havane, déclarée Patrimoine de l’Humanité par l’Organisation des Nations unies pour la Science, l’Éducation et la Culture (l’UNESCO) en 1986.
Les festivités commencent lorsqu’à minuit une multitude de Havanais et de visiteurs se rendent à la Plaza de Armas, au Templete, pour faire trois fois le tour de la ceiba (fromager) en silence et « y faire un vœu ». C’est la tradition : aux pieds de la première ceiba monumentale, fut effectuée jadis la première messe et le premier conseil municipal de constitution de la ville.
Le petit monument, le Templete, a été construit en 1828. À l’intérieur de son espace réduit, le peintre français Jean Baptiste Vermay a effectué trois grandes peintures murales qui commémorent ces événements.
Depuis des décennies, le Bureau de l’Historien de la Ville, dirigé par le docteur Eusebio Leal, est plongé dans un gigantesque effort de restauration destiné à préserver la mémoire, parce que « sans mémoire, nous ne sommes rien », affirme-t-il.
Le projet a toujours été « de sauvegarder le patrimoine et la communauté qui y habite, faire que celle-ci vive et palpite dans ce grand musée. Il ne s’agit pas de restaurer pour créer un centre touristique, mais pour préserver la culture et en même temps, pour que les familles qui vivent là puissent améliorer leurs conditions de vie ».
C’est pour cela que des dizaines d’espaces ont été restaurés : des édifices, des églises et des places. Ainsi, le visiteur peut flâner dans les rues de La Havane coloniale, dont beaucoup sont pavées, et pénétrer dans plus d’une douzaine de musées et de studios-galeries de célèbres artistes plasticiens ou visiter des maisons-musées, comme celle de Benito Juarez, de l’Asie, de l’Afrique, des Arabes et de Simon Bolivar, sans oublier naturellement des lieux de visite incontournables, comme la Plaza de Armas et la Place de la Cathédrale.
La cérémonie du Coup de canon à la Forteresse de San Carlos de la Cabaña.
La première, présidée par le Palais du gouvernement, la maison du Capitan General, abrite d’autres bâtiments, parmi lesquels le Château de la Fuerza Real (1577), sur la tour duquel se dresse la Giraldilla, emblème de la ville, et le Palais du Segundo Cabo, aujourd’hui devenu un musée moderne.
La Place de la Cathédrale a conservé son charme d’antan. D’une beauté spectaculaire, avec les arcades des porches de palais ayant appartenu à la noblesse, elle est dominée par la splendeur monumentale de l’église baroque qui lui a donné son nom.
Au hasard de ses balades, le visiteur découvrira d’autres lieux, rénovés plus récemment, spécialement la Promenade de Paula, avec la nouvelle Camara de rejas de La Havane (système d’épuration des eaux), l’une des merveilles du génie civil cubain ; l’ancien entrepôt du Bois et du Tabac, devenu aujourd’hui une brasserie artisanale.
Quant à l’embarcadère, El Emboque de Luz, encore en construction dans d’anciennes structures métalliques, il sera le point d’arrivée et de départ des célèbres bacs qui relient la partie historique de la ville avec les villages de l’autre côté de la baie : Casablanca, où se dresse le Christ de La Havane, et Regla, où se trouve le Sanctuaire de Notre-Dame de la Vierge de Regla.
L’autre côté de la baie est dominé par le Parc historique et militaire Morro-Cabaña, formé par le Château de los Tres Reyes del Morro (1630) et la forteresse de San Carlos de la Cabaña (1774). C’est là que chaque nuit, à 21h précises, un coup de canon est tiré au terme d’une cérémonie qui remémore l’époque où les deux coups de canon constituaient le signal d’ouverture et de fermeture des portes de la ville.
Un projet bien avancé : la Promenade maritime flottante qui permettra aux promeneurs d’avoir l’impression de marcher sur l’eau et d’avoir une vue imprenable sur la baie. Au début, la plateforme aura la forme d’un T, avec une avancée sur la mer, puis elle disposera d’une passerelle de 156 mètres, qui sera parallèle à la jetée.
La Havane est restaurée, embellie, tout en conservant la magie, l’atmosphère, de cette ville-capitale, riche d’une mémoire de 496 ans.
Toute une légende…