Le blog de Yannick LE MOING

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Nicolas Hulot : « Le principe pollueur-payeur est bafoué »

Publié par LesEchos.fr sur 23 Octobre 2014, 13:48pm

Catégories : #Société et Environnement

Nicolas Hulot déplore l’abandon de l’écotaxe et attend des précisions sur le financement de la transition énergétique. Il en appelle à une réforme intégrale de la fiscalité assise sur l’exploitation des ressources naturelles et non plus sur le travail.
L’écotaxe est passée à la trappe. Comment le vivez-vous ?

Je le regrette profondément. Cela entraînera l’ajournement de nombreux projets dans le transport durable. Le principe pollueur-payeur est bafoué et il y a un vrai problème démocratique. Fallait-il renoncer, au prétexte que les routiers allaient paralyser nos grandes villes? A ce compte-là, aucun dossier écologique ne passera jamais, même d’intérêt général. Mais au fond, ce n’est pas très étonnant. La fiscalité verte, tant qu’elle sera considérée comme additionnelle et non substitutive, essuiera un rejet massif. Face aux lobbies, il n’y a qu’un moyen de faire avancer les choses : afficher un front républicain. Ce n’est pas hors de portée. La plupart des hommes politiques partagent la même analyse sur l’évolution du climat et l’importance des énergies renouvelables. Mais ils le font en privé, pas en public où ils sont dans une posture politicienne. Cette attitude s’est amplifiée avec ce qui ressemble déjà à un démarrage de la campagne présidentielle. C’est irresponsable et d’une indécence absolue par rapport aux enjeux.

Que préconisez-vous ?

On peut faire de ce mal un bien en mettant sur la table une réforme intégrale de la fiscalité. La majorité des prélèvements obligatoires porte sur le travail. C’est une aberration. Il faut au contraire lever les charges qui pèsent sur l’emploi et les déplacer sur les activités qui ont un impact environnemental négatif, sur les prélèvements de ressources naturelles et énergétiques. Il faut ouvrir ce chantier comme l’ont fait les pays du Nord de l’Europe dont l’économie s’est trouvée dynamisée. Il serait également judicieux d’adosser cette fiscalité écologique aux revenus des rentes.

L’élargissement aux routiers de la hausse du gazole va-t-elle dans le bon sens ?

Cela ne correspond pas à ce basculement des régulations progressif que je défends. Il faut cesser d’être dans le réactif. Proposer la gratuité des autoroutes n’est pas cohérent avec les enjeux. Si celle-ci doit voit le jour, ce ne pourra être qu’en faveur des transports en commun, du covoiturage et dans des circonstances particulières, celles de pics de pollution sur certains territoires. Je peux comprendre l’exaspération soulevée par cette proposition alors que l’écotaxe venait juste d’être abandonnée.

Qu’attendez-vous du budget 2015 ?

J’aurais souhaité y trouver de nouveaux instruments de fiscalité écologique, mais cela ne peut pas se faire au débotté. Encore une fois, mieux vaut prendre un peu de temps de réflexion pour une réforme globale de la fiscalité. Et il ne faut pas oublier la taxe carbone qui est entrée en vigueur cette année et rapportera bien plus que l’écotaxe. J’attends de cette loi de finances qu’elle conforte les moyens du ministère de l’Environnement. Ce n’est pas le moment de les baisser. J’attends aussi des précisions sur les financements des dispositifs incitatifs à la rénovation dans le bâtiment, ainsi que sur leur origine. Honnêtement, la loi sur la transition énergétique contient beaucoup de choses et redonne à la France une forme de crédibilité en Europe dans ce domaine. Il ne faudrait pas qu’elle débouche sur une grosse déception. C’est à Bercy de voir si les moyens sont à la hauteur. Pour l’instant, ce n’est pas le cas, en particulier concernant la prime à la conversion. Il faudrait plusieurs centaines de millions d’euros pour aider, sous condition de ressources, les ménages à remplacer leur vieux diesel par un véhicule plus performant, neuf ou d’occasion.

Vous ne dites rien sur la fermeture de Fessenheim ?

C’est un marqueur très important pour les écologistes. Mais ce qui l’est plus pour moi, c’est que la baisse de la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique soit actée. Et qu’elle s’opère prioritairement sur des critères indépendants de sécurité et non pas sur des critères purement symboliques. Pour le reste, je suis incapable de vous dire si Fessenheim est la plus dangereuse des centrales. Il y a une autorité de sûreté pour cela. A elle de décider.

La France qui reçoit la conférence mondiale sur le climat en 2015 sera t-elle à la hauteur de cet évènement ?

Elle fait très bien le job. Sa diplomatie et Laurent Fabius sont quasiment à 100% sur ce sujet là. Toute notre diplomatie est mobilisée pour créer les conditions d’un accord à Paris. La France est aussi le seul pays avec l’Allemagne à avoir abondé le fonds vert pour le climat en annonçant à New-York qu'elle mettrait un milliard de dollars. C’est un préalable essentiel pour rétablir avec les pays les plus vulnérables la confiance sur ce processus multilatéral. Sans quoi les pays du Sud ne voudront pas participer à cet accord. La France a montré la voie. Et sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, la France est, dans le monde, un des pays leader. Donc oui, elle fait le job. Mais il ne faut pas lui attribuer plus de responsabilités qu’elle n’en a. Ce n’est pas à elle qui a fixé l’objectif, mais les Nations Unies.

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